En ce plein printemps tout concourt à s’extasier devant la nature : ciel azuréen qu’aucune traînée d’avion ne vient souiller, torrent tempétueux dont les eaux vives chatouillent les oreilles, palettes de couleurs qui titillent les yeux, soleil qui joue dans les ramures, pique nique dans la prairie avec des randonneurs nombreux mais silencieux et respectant les distances, odeurs du genet et du thym en fleur… Et il a eu cet oiseau qui s’est mis à siffler avant une rude descente pour mes genoux défaillants. J’ai répondu à son appel et nous avons ainsi devisé ensemble tout au long de l’escarpement avant que mon ange siffleur ne s’envole une fois retrouvé un terrain plus accessible pour moi…
De vraies retrouvailles avec tous et avec soi-même qui nous disent où est l’essentiel et que le Sacré est là à portée d’yeux et dans le cœur de l’homme, loin des confinements où on veut L’enfermer.
Chacun pour soi ?
Las ! Le retour nous reprend bien vite dans les rênes profanes de la soi-disant actualité. Nous nous focalisons sur la reprise de l’économie et les attitudes des gouvernants pour faire comme avant et nous oblitérons complètement l’urgence des urgences en faveur de la sauvegarde de la maison commune.
Pourtant cette expérience de grand air nous en rappelle l’impérieuse nécessité.
Mais l’urgence vient-elle seulement de l’environnement à préserver ? Certains discours font froids dans le dos : nous voyons des « élites » affirmer clairement que nous sommes trop sur cette terre et qu’il va falloir « trier » et faire de la place pour que certains survivent. Tri au détriment des populations les plus pauvres ou plus âgées, que ce soit dans les pays occidentaux ou ceux confrontés à la survie comme en Afrique et sauvegarde et bonnes places pour les plus riches (et les « élites » cela va de soi !).
Les « surnuméraires », comptez-vous !
Entre les deux, guerre d’empoigne qui commence pour ne pas sombrer dans le premier camp ou tenter de survivre dans le second.
Où va-t-on ?
Les princes du mensonge
Les tentatives de justification de l’injustifiable ont également marqué cette semaine. Dans un climat de défiance généralisée, nous avons entendu de la part de ceux qui n’ont pas su prévenir la crise que « nous n’avons jamais manqué de masques ». Le président lui-même est le premier de ces princes du mensonge. Ce qui m’inquiète, outre le mépris du peuple et l’incapacité de corriger leurs propres erreurs du côté des gouvernants c’est aussi l’apparente mollesse et le peu de réactions des citoyens engoncés dans leurs tranquilles habitudes retrouvées et leurs inerties…
Des affirmations aussi ridicules et dissimulatrices « installent » de manière honteuse le Mensonge comme mode de fonctionnement universel et une apathie désolante et décourageante sous prétexte de Sécurité. Cadre idéal pour tuer les libertés.
Consentir à perdre
Cette semaine encore, j’ai participé à une petite réunion de post-déconfinement avec une dizaine de personnes. A l’ordre du jour, comment faire, à l’approche du second tour des élections municipales, pour créer des alliances ? Faut-il vendre son âme et ses convictions pour être présent dans la gestion de la ville ? Comment rapprocher les points de vue, surtout écologiques présents dans la bouche de tous (c’est porteur !) à défaut de l’être dans les actes ? Les postures ont la peau dure. Tout comme la « fidélité » à ses propres convictions, au risque de se fermer sur elles-mêmes. Dans l’urgence, bien que certains affirment que ce n’est pas dans un petit pays comme le pays dignois, qu’on fera changer les choses à grande échelle, ne faut-il pas envisager des concessions pour « sauver » plus grand que nous ?
La Liberté, l’Avenir, la Solidarité, notre destin commun, l’environnement ne dépassent-ils pas les esprits de boutique, les politiques politiciennes ? Comment fédérer les gens de bonne volonté, dans le respect des convictions de chacun à travers des coopérations nouvelles, des accords inédits ?
Face aux nouvelles donnes, aux dangers multiples qui nous menacent (surtout humains, en particulier ceux dus au lobbys pharmaceutiques, économiques et financiers), aux solutions à inventer, je crois que la solidarité doit et devra être la réponse.
Le prix à payer sera peut-être lourd : idéaux personnels mis en berne pour le bien commun, confiance donnée sans contrepartie, lâchage de ses propres capacités et décisions, jusqu’ici vécues en solitaire, pour un dialogue et des actions communes de sauvetage d’un pays en péril et d’une planète en danger de mort…
Je rêve sans doute ? Je ne crois pas. Il nous faut inventer de nouvelles façons de vivre ensemble. Ma randonnée m’a redit la nécessité de prendre soin de tout et de tous : les bonjours des personnes croisées, leur respect de la nature, les sourires sans masque, les galopades des enfants, les pique-nique festifs entre amis, la pétillance des regards tout comme l’humour partagé et surtout la confirmation que l’essentiel est dans l’émerveillement et la « culture » d’une vie à partir d’un lieu d’intériorité m’ont convaincu du contraire.
Le désir d’un petit nombre d’humaniser notre société sans se laisser étouffer par les profiteurs de chaos ont été aussi un baume et une espérance pour moi. Une promesse d’un Souffle nouveau dans nos relations et sur la terre.
Après deux mois de confinement, je redécouvre combien les relations sont le cœur de notre vivre-ensemble. Ne nous laissons pas débordés ni découragés par la peur entretenue, le mensonge, la dissimulation, le cirque médiatique.
C’est l’heure de la lucidité et de la fraternité.