Un vrai bonheur de voir la joie de ma petite fille sur Skype et celui des petites voisines regagner le chemin de l’école pour enfin retrouver les copains et les copines.
Comme une invitation pour les adultes à prendre ce même chemin de joie simple, jamais acquise, mais toujours donnée.
Rentrée « scolaire » pour ces « grands » aussi, pour apprendre, dans une écoute fine, à recevoir ce qui parle à l’intime ?
Car les vents contraires ne manquent pas pour tenter de les installer dans la désolation, le découragement ou la peur (surtout la peur)… et dans la fatigue qui leur tombe dessus avant même d’avoir entamé l’année !
Mais il est parmi eux des hommes et des femmes qui sont comme des poteaux indicateurs dans ce monde déboussolé.
Ce que je retiens d’eux c’est l’invitation à vivre la compassion et d’ être attentif à la Beauté.
Peut-être les deux face d’une même médaille : celle de nos humanités appelées à s’épanouir pleinement, dignement .
Quand je parle de compassion, je dis celle, active, qui voit loin, au delà des apparences, la beauté des hommes et des femmes, par-delà leurs blessures, leurs souffrances ou leurs égarements possibles; celle qui appelle à vivre ardemment une restauration, une suscitation, une éclosion de la Merveille qu’ils sont.
Rien d’un misérabilisme, d’une pitié ou d’un altruisme bisounours.
Cet ardeur vaut pour l’humanité blessée, la nôtre, personnelle, d’abord, mais aussi pour celle de nos sociétés et pour notre environnement.
Ce goût du beau en tout homme et en toute chose j’aimerais, à l’aube de cette nouvelle année, vous le partager pour que la beauté puisse grandir en moi, en nous. Il est fragile; Pour que nous puissions ensemble être des témoins vivants que c’est elle qui sauve le monde comme l’affirmait Dostoïevski dans l’Idiot.
Et il ne s’agit pas (ou pas seulement) ici d’un « sauvetage » écologique ou de la Planète mais d’un « salut » ( pas seulement chrétien, souvent employé à toute les sauces) qui concerne tout homme, croyant ou non, car dans cette beauté-là il y a de la souffrance (Peut-elle exister sans cette dernière ?)
Au cœur de cette cette souffrance souvent tue, ignorée, peut se déployer la compassion et la tendresse d’une humanité fraternelle salvatrice : celle en attente de recevoir et celle joyeuse de se donner. Une fraternité qui se pose au cœur d’un Ailleurs qui fait des homme des fils, des êtres qui ne sont pas les artisans de leur propre bonheur mais se reçoivent de Plus Grand qu’eux.
Alors la Beauté intérieure en chacun dira la joie, grave et vraie. Elle fera signe, sur nos visages, sur terre comme au ciel, que tout est en voie d’accomplissement, que tout devient Un.
Parmi ces « poteaux indicateurs » je voudrais vous partager trois témoignages glanés comme on glane des « restes » dans les champs de blé qui font le pain et la vie de ceux qui vivent de peu mais savent où est l’Essentiel ou ramassent les « miettes » de la table de ceux qui se croient comblés. Ce sont des « beaux » bergers à leur manière. Ils vont au delà des discours convenus et des habitudes sclérosantes.
Au revoir
– Le premier est celui d’un poète soudanais Abd al-Wahhab Muhammad Yusef, connu sous le nom de « Latinos « . Il est mort noyé il y a quelques jours avec 46 autres personnes en Méditerranée, après avoir été menacées, pillées et coulées à coups de mitraillette au large de la Libye par un navire garde-côte libyen (que l’UE, donc la France, subventionne « pour qu’ils ne viennent pas chez nous »).
Plein d’élan, porteur de foi en l’avenir et d’enthousiasme pour la survie des siens restés là-bas, il croyait en des jours plus heureux et fraternels.
Un de ses textes :
» Nous fuirons notre patrie, nous fuirons rapidement vers l’exil.
Mais aussi l’exil est intolérable et cruel
Il va absorber le nectar de nos âmes sans aucun doute
Mais je vais te dire au revoir avec ce que tu as écrit :
Jamais mal de mourir
Dans la fleur de ton âge
Sans avoir trente ans.
Pas mal de partir tôt,
Le pire c’est de mourir seul sans femme.
Une femme te dit : ‘viens me voir,
Mon câlin te ramasse tout
Laissez-moi laver votre âme de la dépression et de la misère.
Une femme qui sourit à chaque fois, la nuit s’enfuit sur les doigts du temps.’
Au revoir. «
C’est moi. Balgouthi
Pour lui, pour ses compagnons d’infortune, ces quelques mots que je leur dédie en guise d’au revoir :
47 ! Ils étaient 47 !
Hommes, femmes et enfants
Ballottés sur un rafiot pneumatique
mal gonflé
en quête d’avenir radieux
dans la noria de ceux qui les ont précédés
et ne sont jamais arrivés
sur les terres qu’ils rêvaient hospitalières
et de nouvelle naissance.
Non, la mer inconnue ne leur faisait pas peur.
Mais les hommes sans humanité oui,
féroces vautours sans âme
qui après les avoir pillés et violés
mitraillaient avec jouissance
leur frêle esquif de caoutchouc.
Rêves brisés
Humanités à l’agonie
quelle a été leur dernière pensée ?
Vers qui s’est tourné leur dernier regard ?
Qui ont-ils imploré ?
Leur Dieu ? Leurs bourreaux ?
Nos consciences anesthésiées ?
Ils ont sombré, abandonnés des nantis
sous la risée de leurs persécuteurs
Dieu, toi le compatissant
qui ne prends pas la place de l’homme
dans sa souveraine liberté
je sais que tu étais présent
dans ces naufragés où tu ne pouvais rien.
tu ne peux agir qu’à travers nous
Tu pleures en ceux qui agonisent
Pleures-tu tout autant
en ceux qui te défigurent
à travers ceux qui sombrent
dans l’incompréhensible et violente plénitude
de ton amour impuissant ?
Oui, à tous, au revoir ! à Dieu !
« C’est notre humanité qui est appelée là… »
– le second est celui de Benoit Payan, maire adjoint de la ville de Marseille. Il a ouvert le port au Louise Michel, ce bateau refusé par de nombreuses villes maritimes et qui a accueilli à son bord des naufragés en Méditerranée. Il parle du geste de la municipalité ainsi :
« … Justement, ce ne sont pas des migrants. Je n’accepte pas ce terme. Ce sont des naufragés, ce sont de gens qui risquent la mort. Ils sont en mer dans une situation critique. Le droit maritime, l’Histoire maritime, l’Histoire de la ville, tous convoquent notre responsabilité. Des femmes et des enfants sont en train de mourir… dans cette situation-là, on ne demande ni les papiers, ni la régularité de la situation de ces gens-là. On les sauve, on les secoure…
Cette une décision que l’on prend, on ouvre, on demande d’ailleurs au président de la République, à l’Europe de prendre ses responsabilités. La Méditerranée ne peut plus être un cimetière. On ne peut pas laisser les gens mourir en mer. On doit mettre les moyens. C’est notre responsabilité de ville, de capitale méditerranéenne. Les personnes blessées, on va les soigner, puis elles entrent dans le droit commun (…) la question est simple : des gens se noient. C’est notre humanité qui est appelée là… »
… Empathie naturelle qui parfois nous échappe encore…
La vérité vous rendra libre…
– le troisième est le regard lucide de Mamadou Koulibaly qui répond à Emmanuel Macron. (7 mn d’audition). Une belle leçon d’humanité et une excellente application du principe de subsidiarité !
Hé ! l’Esprit souffle ! Pas forcément comme on le pense ou là où on l’attend… Et c’est beau et bon !
Bonne (r)entrée en vous à vous !
très fort !!!
merci