Ils veulent la messe !

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Les récents événement des cathos identitaires avec certains évêques en tête de cortège, sur leur « nous voulons la messe ». m’ont tristement affligé. Il y a quelque chose de malsain dans ces manières de faire et bon nombre de commentateurs ont apporté leurs réflexions désolées sur le sujet.
Je voudrais de mon côté pointer deux conséquences : l’une concernant les autorités publiques et l’autre les chrétiens eux-mêmes.

Laicité : une nouvelle religion ?

Agir ainsi pour vouloir mêler de cette manière là ( car il y a d’ autres manières de participer à la vie de la cité) pratiques cultuelles ou croyances et politique c’est imposer un point de vue préjudiciable à tous. La perte de crédibilité de ces manifestants fait qu’aujourd’hui les pouvoirs publics ont mis la main sur ce qui il y a encore quelques temps restait de l’ordre de la foi ou de la démarche religieuse : je veux nommer l’éthique. Désormais c’est le gouvernement ou l’autorité politique qui, tant bien que mal, en devient garant et propose des pistes, des axes pour un vivre ensemble harmonieux. La devise républicaine semble devenir la nouvelle religion laïque : liberté, égalité, fraternité deviennent un socle commun et fédérateur pour une nouveau vivre-ensemble. La religion traditionnelle disparait pour faire place à une sécularisation du fait religieux.
En ce sens la fameuse phrase de Marcel Gauchet disant que le christianisme est « la religion de la sortie de la religion » s’avère réalisée : la sécularisation a pris le dessus sur la religion. Pas sûr que ce soit l’objectif des tradis qui voulaient imposer la loi et la morale chrétiennes au pays !
Ajoutons que ces manifs ont fait naître un climat d’hostilité et un laïcisme exacerbé dans ce qui depuis plus de cent ans maintenait (avec la loi de 1905) un modus vivendi ajusté.

Désertion de certains chrétiens pour la chose publique

Concernant ces chrétiens identitaires je déplore que les manières de faire de la plupart les ont désengagé de la choses publique. Car il nous faut être présent dans les combats de ce monde. Je constate comme une désertion des engagements de certains chrétiens dans la vie de la cité. Il n’y a plus de parole ni d’acte d’espérance, de justice, d’altruisme, de solidarité, vécus d’une manière gratuite ou alors ils sont souvent dans le but de « plaire à Dieu » ou d’être méritant. Et que dire de leur mépris face à ceux qui jouent le jeu (si c’est encore un jeu !) de la citoyenneté, du respect de l’autre, de la protection des faibles et des personnes fragiles ?
La chose n’est pas nouvelle mais là, maintenant c’est la cata !
Les exemples du siècle passé (que cela semble loin !) comme la JOC dans le milieu ouvrier, la JAC le MRJC dans le milieu paysan ou le CCFD vis-à-vis des pays en voie de développement ou les prêtres ouvriers ont été combattus avec virulence par ces tenants d’une foi pure et dure qui n’ acceptent pas une vision solidaire et emplie d’espérance pour la société où nous sommes insérés. (Membre du CCFD un temps donné, j’avais été traité nommément comme « communiste », « avorteur », « assassin » ! )
De même le concile de Vatican II, si plein de promesses, a été dynamité par les papes Jean Paul II et Benoit XVI sous leur pression. L’ Amérique latine avec la théologie de la libération a fait les frais d’une action sociale salvatrice et émancipatrice en les déroutant vers des adorations eucharistiques déconnectées du réel mais permettant des actions charitables afin de gagner son ciel. Pourtant, j’aurai aimé voir rappeler un esprit de solidarité en ces temps de Covid de la part des autorités catholiques plutôt que des paroles de soutien aux réclamations bruyantes sur le retour de la messe dominicale (« obligation » qui, soit dit en passant, ne fait pas partie d’un dogme). Pour eux le monde est mauvais. Il faut s’en préserver et rester dans un entre-soi protecteur..

La mort des dinosaures… et après ?

J’ai l’impression d’être un dinosaure avec quelques autres, faisant partie de ceux d’après Vatican II. Comme eux, je m’en veux de ne pas avoir su venir cette vague d’intégrisme pernicieuse qui veut imposer à tous sa manière de croire d’agir et de penser et restaurer une chrétienté idéalisée qui n’ a jamais existée. Elle attend (et le dit ouvertement) la mort de ces anciens pour avoir quartier libre pour enfin vivre « la foi de toujours ».  
Peut-être avons-nous été trop fougueux dans la nouveauté qu’apportait ce concile ?
Un vieux cantique breton proclamait « catholique et breton toujours » ou encore provençal « La Provence te supplie Notre-Dame écoute-la ! provençaux et catholiques, notre foi n’a pas failli … » ; pour peu qu’on y ajoutait une pincée de sel royaliste on avait fait le tour de la question : c’était une affaire d’attestation identitaire ou régionaliste plus que de foi. Je n’ai rien contre les cantiques bretons ou provençaux et la foi simple et vivante des autochtones. C’est une manière de transmettre ses convictions mais j’attends en retour un simple respect de ma propre manière de vivre ma foi et une acceptation d’un dialogue dans le respect de la différence de chacun.
Mais surtout, ce qui m’attriste c’est la perte de crédibilité d’une foi qui n’est plus audible. Elle ne parle plus aux gens qui d’ailleurs s’en passent bien. Elle n’est plus attirante. Proclamer un Jésus Christ sauveur ne veut plus rien dire. Les Eglises tombent dans la religiosité, le fondamentalisme, ou le folklore. Elles se rattachent à ce qui semble encore porteur.
Qu’importe de déserter les champs à moissonner pour sauvegarder un pré-carré ou des traditions illusoires. l’important pour eux c’est de se  maintenir ou se réfugier dans ce qu’ils affirment être la vérité de toujours. Le réel, le temps présent, n’est plus le lieu d’un engagement fécond et fraternel.
A travers le concile, l’Église n’avait jamais autant avancé sur la voie du changement, en voulant s’ouvrir au monde. Certains veulent le figer dans une approche moyenâgeuse.
Chronique d’une mort annoncée ?

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