Jacques Gaillot, « L’évêque des autres »

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Beaucoup de tristesse à l’annonce du décès de Jacques Gaillot. Certains l’appelaient « l’évêque des autres », d’autres « l’évêque des pauvres ». Sur les réseaux sociaux le mot « contestataire » revient régulièrement. Il a eu droit à des éloges appuyés de la part de ceux qui ont pris le parti des pauvres, des migrants, des méprisés, des exclus (voir les journaux Libération, l’Humanité…). Par contre, La Conférence des évêques de France (CEF) s’est fendu d’un bref communiqué de 5 lignes disant que ses membres « au delà de certaines prises de position qui ont pu diviser, nous nous rappelons qu’il a surtout gardé le souci des plus pauvres et des périphéries. » Langue de buis dans toute sa splendeur !

Si au lieu de se « rappeler » ils mettaient eux-mêmes en parole et en actes ce qui a fait le moteur de la vie de Jacques Gaillot à savoir, dans les Évangiles, les paroles et les gestes du Christ, ils seraient plus crédibles. Quant aux « prises de positions qui ont pu diviser », ces prélats ne manquent pas d’air après tous les tourments qu’ils ont pu infliger à leur confrère ! Qui étaient les vrais diviseurs dans leurs sournoiseries, leur mutisme, leur rejet ?

Je retiens de ce prélat si proche des pauvres ses prises de positions contre les rejetés de la société catholique : divorcés remariés, homosexuels, les gens aux trois T : sans Travail, sans Toit et sans Terre. Sa manière de vivre dans les squats près des déshérités et des sans-papiers était un exemple de compassion active pour vivre l’Évangile pendant que les instances décisionnelles françaises et vaticanesques le nommaient évêques de Partenia un diocèse disparu depuis plus 16 siècles dans le fin fond des sables perdus de l’Algérie. Quel mépris ! Il a su le mettre au service des inexistants de la Société à travers les réseaux internet et les périphéries sociétales, pendant que, en même temps la CEF n’était même pas capable de l’inviter à leurs réunions « fraternelles » deux fois par ans à Lourdes.
Et que dire de ses prises de position quand à la violence, (lui, le non-violent qui avait connu celle de la guerre d’Algérie), les armements nucléaires, la démocratie, la lutte contre le sida (il préconisait donc le port du préservatif) le célibat des prêtres…

Mis à la porte de son évêché d’Évreux à la grande joie des pisse-vinaigres locaux, l’éviction de cet évêque proche du peuple, suscita une forte émotion en France, avec de nombreuses manifestations de soutien. A Évreux, plusieurs dizaine de milliers de personnes assisteront à sa messe d’adieu le 22 janvier 1995.

Cet homme dérangeait. Je comprends le mot contestataire. Il dérangeait l’ordre établi, la morale dogmatique piteuse, les conformismes d’un autre âge, les faux semblants, l’orgueil de ceux qui recherchent pouvoirs et autorité pour eux-mêmes, les prélats sans consistance et sans espérance, les injustices étatiques.

Vous savez quoi ? Il me rappelle un autre homme contestataire et rebelle : Jésus de Nazareth si proche des exclus de son époque, si proche des souffrants de sa société politique et religieuse de son temps. C’est vrai que ce dernier subira les foudres du clergé de Jérusalem. Copain comme cochon avec l’occupant romain, ils s’allieront pour le mettre à mort.

Tout comme lui, Jacques Gaillot respirait la liberté, la simplicité des relations, la joie humble de la fraternité. Sa « mise à mort » a été source de Vie pour lui et pour beaucoup dont je suis. Il rejoint tous les parias de part le monde qui ont su vivre avec vérité, dans la souffrance, la fidélité à ce pourquoi il avait été appelé : être au service des hommes.
Vivre pour eux et avec eux la justice et la solidarité ; en un mot : l’Amour évangélique.

Une ombre toutefois dans son parcours : l’accueil d’un prêtre canadien pédophile dans son diocèse en 1988 car pour lui, « à l’époque, l’Église fonctionnait ainsi ». Il le regrettera amèrement par la suite.

Je crois qu’avec les Roméro, les Riobé, les Helder Camara, les Humnes, les abbés Pierre, les sœurs Emmanuelle ou Thérésa, ils doivent se payer tous ensemble maintenant une bonne tranche de fous rires face aux culottes de zinc de l’épiscopat français engoncés dans une religiosité étouffante.

Jésus dira « nul n’est au dessus de son maître, s’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront… » Ces paroles sont pour moi un gage de vérité et de justesse de ce qu’a été sa vie.

À-Dieu Jacques et merci !

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