Oh qu’il est mal heureux…

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En réaction à un article de Pierre Castaner intitulé « Béatitudes d’un bon catho qui ne veut rien changer » sur le site « Garrigues et sentiers » (dossier « rester dans l’Église catholique »), je me permets la poursuite du dialogue en réfléchissant sur la nécessité d’un regard de compassion le plus ouvert possible sur la vie du Monde et des Églises, celle catholique en particulier :

Nous pourrions aussi exprimer le texte de Pierre Castaner autrement. Il dirait alors toute la compassion pour celui ou celle qui se sent à l’étroit dans l’institution et pour cette institution elle-même qui a tant besoin de miséricorde pour pouvoir remplir sa mission… Ainsi :

« Oh ! qu’il est malheureux d’être dans une Église faite que d’hommes où la femme est exclue des décisions.
Oh ! qu’il est malheureux d’être dans une Église totalitaire avec un pape monarque absolu, des évêques grands Seigneurs et des curés patrons qui décident de tout. », etc.

Cette invitation à un regard de compassion nous pousse à prendre soin de tous et, mieux, à élargir hors de l’institution catholique notre adhésion à elle à celle de toute l’humanité, dans la diversité de ses approches croyantes ou non, sans frontières de race, de genre, de condition… 

Ce regard aimant choisi peut être alors apaisant, même s’il est douloureux. C’est le regard de Jésus quand il prononce ses « malheur à vous… » (ainsi traduit !) Ce n’est pas une condamnation hargneuse, mais un cri de détresse (comme celui de Pierre Castaner sans doute) : « Oh que vous êtes malheureux vous… quand … » Tout est dans la tonalité de ce cri de souffrance.

Entendons-nous sa grande détresse, son cri devant les défigurations des hommes ou des institutions qui refusent de se remettre en cause ? Et nous, avec quel ton, de quelle manière sommes-nous invités à prononcer nos douleurs et nos attentes, nos soifs, nos désirs ? Je souhaite qu’exprimer ainsi notre souffrance puisse être libérateur pour tous. Jésus interpelle chacun dans ses possibles remises en cause. 

Les Églises ne sont pour moi que la préfiguration et les instruments pour une fraternité universelle. Que nous soyons dehors ou dedans ou en ses marges, tous nous sommes invités à sortir d’un quant à soi mortifère pour retrouver la saveur du pain que sont la Parole et la vie de Jésus, partagés avec tous nos frères humains. Être dans l’Église ne peut alors se vivre que pour en sortir une fois l’humanité réconciliée : il y a du pain sur la planche ! Alors, sa mission accomplie, elle pourra disparaître.

L’institution n’est pas le tout du Poème évangélique : elle est la courroie de transmission du message fraternel de Jésus : Nous sommes tous frères et nous n’avons qu’un seul Père. Être ainsi tout à tous, sans distinction de religions ou d’appartenances.

Le mot « catholique » ne suppose pas seulement une universalité géographique (qui ne signifie plus grand-chose, à moins de l’accepter dans sa diversité et non plus dans son uniformité) mais bien plus une universalité humaine dans l’accueil et le respect des différences, dans un dialogue avec tous sans distinction, dans une écoute de la vérité de chacun. Dans la joie de retrouvailles de ce qui constitue la profonde et riche humanité de chacun. À la manière de Jésus. Sans esprit de boutique, de récupération ou désir de faire nombre ou de faire mieux. Sans doute aussi, sans attente démesurée ; à la mesure de ce que je peux moi-même donner. La mienne reste poussive et pauvre au vu de ce que dénonce Pierre de manière ironique.

J’entends sa souffrance : Que répondre sinon que Jésus nous dit : « Courage ! j’ai vaincu le Monde ».  Et dans ce « Monde » il y a aussi celui des Institutions religieuses ! La Victoire est donc déjà là ! En fin de compte c’est « Son Affaire » et nous ne sommes que les modestes participants « réformateurs » à son œuvre qui adviendra en son Heure. …Du moins, je l’espère…

C’est ce tourment que j’ai essayé de dire aussi dans mon livre Jours sombres en Église aux Éditions Golias,… comme un « mal heureux ». 

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