La montée des « Gueux »

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… Devant la colère légitime des GJ et l’aveuglement des autorités publics qui s’entêtent à  rien lâcher de leurs richesses et de leurs pouvoirs, devant la montée toujours plus grande des violences attisées par des propos « d’élites responsables » qui soufflent sur les braises, se sont remémorées en moi les marches de Martin Luther King, de Gandhi, celles des femmes du Kerala en Inde, des paysans sans terre au Brésil  … toutes pacifiques et non violentes et , ô combien  !, fructueuses.
« I have a dream… »  racontait le premier.
Moi aussi j’ai fait un rêve. Celui de bannir toute haine et toute violence pour sortir des impasses et des fermetures, des insécurités et des pauvretés, des mépris et des suffisances dans lesquels nous nous trouvons.
J’ai rêvé d’une Marche où, au fur et à mesure de son avancée vers la capitale, elle prendrait les sentiers pour démarrer; puis les départementales et les nationales, le nombre de marcheurs  grossissant… Et pourquoi pas les autoroutes indignes !


J’ai rêvé qu’à chaque étape les GJ locaux et ceux qui les soutiennent nous accueilleraient dans une fraternité et une solidarité chaleureuses. Ils nous partageraient leur pain et leur toit pour la route du lendemain. Certains mettraient sac au dos pour continuer la marche avec les premiers partis.
Le sans-toit s’abriterait dans le cœur fraternel de ses collègues de marche, le sans-travail s’investirait à fond dans la réussite du projet, l’affamé se nourrirait de vraies brioches, le méprisé se dresserait dans sa fierté retrouvée, les yeux du chômeur pétilleraient de dignité.
J’ai rêvé que du Nord au Sud du pays, de l’Est à l’Ouest, des campagnes comme des banlieues, convergerait tout une foule porteuse de paix et de volonté farouche, non d’en découdre, mais de porter des doléances pour plus de dignité, et d’humanité, sans haine et sans violence.
Ce serait comme une vague, irrésistible dans sa joie d’avancer. Inébranlable dans sa certitude d’être dans le bon droit. Elle marcherait tête haute, ardente du feu de la justice, ivre de liberté et de quête de bonheur, dans l’urgence du partage.
Dans mon rêve, je voyais ces « gueux » motivés par une fermeté inébranlable. Ils ne lâcheraient rien de leurs exigences. Ils n’étaient pas des bisounours ou des fleurs bleues. Ils savaient les contraintes, les reproches, les dénigrements, voire les violences auxquelles ils s’exposeraient. Mais leur cause était noble : celle de donner une part de leur vie pour que la non-violence gagne et la justice à travers elle. Ils pressentaient l’effort de prendre sur eux plutôt que de donner libre-cours à leur exaspération.
A chaque étape, leur marche serait stimulée et gonflée à bloc par ceux qui ne peuvent plus marcher mais avancent à pas de géant dans leur tête.  J’ai rêvé que ceux-ci assureraient l’intendance au fur et à mesure des haltes journalières et organiseraient celle du lendemain, comme une chaîne. J’ai rêvé qu’au soir de chaque marche, les retrouvailles se feraient suivant les convictions de chacun : dans un esprit fraternel, bière à la main autour du brasero pour l’incroyant, dans un temps de prière pour le croyant.
Incroyable ! J’ai même rêvé que les chrétiens prendraient au mot les paroles de l’Évangile et quitteraient leurs églises pour se mouiller, en solidarité avec leur frères, en cohérence avec leur foi, dans un désir d’appliquer le jusqu’au bout de la Doctrine Sociale de l’Eglise !
En route, ces Gueux referaient le monde. Inventeraient les manières de bien vivre ensemble. Chercheraient à trouver des solutions pour mettre en place les moyens de préserver la planète.
Dans le dialogue et l’écoute mutuel, ils apprendraient à écouter ce qui vient de loin, du plus profond d’eux, comme un murmure qui dit tous les possibles. Ils feraient naître l’Espérance dans les cœurs meurtris et découragés. Ils tisseraient un nouvel habit pour leur cœur et la société déchirés.
Ces vivants, mus par le dedans, habités non par l’esprit du Monde,  mais par celui de l’humble Amour universel, retrouveraient leur humanité si souvent foulée aux pieds.  Oui, j’ai rêvé qu’ils se dressaient dans leur beauté d’hommes et de femmes ouverts et confiants à l’Inconnu qui se présenterait chaque matin devant eux.
J’ai rêvé de leur unité dans leurs différences qui font leurs richesses. Qu’au-delà des partis, des religions, des manipulations, des jugements définitifs ils apprendraient ensemble à se respecter, sans préséance aucune et à œuvrer ensemble pour limiter les conséquences de la catastrophe écologique planétaire, inéluctable maintenant.
J’ai rêvé que, dans leurs partages sur les chemins, chacun serait écouté dans ses propositions pour bannir la haine, la violence, le profit, l’argent mal utilisé. Leur force serait leur conviction : si forte qu’elle ferait plier les puissants, les ferait descendre de leur trône, rougir de honte tous les superbes accrochés à leurs privilèges égoïstes. Oui, j’ai rêvé cela !
Tels les bourgeois de Calais, j’ai fait le rêve qu’ils feraient amende honorable et viendraient à la rencontre de ces Gueux pour dire que la réconciliation, le partage, l’équité sont possible… Oui, je sais, je rêve ! Mais qui sait ?

J’ai fait le rêve que lors de ces retrouvailles des milliers, voire des millions de gens les rejoindraient à pieds, en train, en voiture, en métro, pour dire oui à la création d’une nouvelle société, d’un monde nouveau, sans frontière, sans exclusive.
Utopie ? Oui certainement mais de celle qui fait avancer les peuples. Comme un retour d’exil où toute personne habitera sa terre intérieure et son pays enfin retrouvés.
C’est une marche propice pour un sursaut un réveil et un avenir serein. Un à-venir à bâtir ensemble.
Oui, j’ai fait ce rêve.
Les derniers mots du discours de Martin Luther King résonnent encore aujourd’hui :
« … Mais il y a quelque chose que je dois dire à mon peuple en procédant à la conquête de notre place légitime, nous ne devons pas nous rendre coupables d’agissements répréhensibles.
Ne cherchons pas à satisfaire notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Nous devons toujours mener notre lutte sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Sans cesse, nous devons nous élever jusqu’aux hauteurs majestueuses où la force de l’âme s’unit à la force physique… »
Et, j’en suis sûr, ce chemin de libération, c’est ensemble que nous le ferons mais ce sera surtout un chemin de libération personnelle car c’est par là que nous changerons le monde : dans l’accueil à l’intime des murmures qui nous invitent à commencer par nous.
Et j’ai fait le rêve que leur marche faisaient tâche d’huile chez tous les opprimés du monde et que du levant au couchant leur cris de Paix et leur « ça suffit ! » feraient monter de la terre un Souffle vainqueur de toutes les ignominies.
Cette  utopie que j’aimerai tant voir surgir du tréfonds des hommes et des peuples opprimés, est-il encore temps de la mettre en route ? Est-elle réalisable ? Ne sommes-nous pas à un point de non-retour ?  Qui voudrait bien se lever pour organiser, planifier, prévoir étapes, intendances, exigences administratives, médiatiser ? Qui entendra mon rêve et lui donnera corps ?

Je vais bientôt avoir 72 ans. Ce ne sera pas mon âge qui m’arrêtera pour donner corps à ce rêve et je serai le premier à m’élancer sur les routes de France pour dire stop à la violence, celle institutionnelle  qui fait naître celles des pauvres et des méprisés et oui à la refondation d’une société plus égalitaire et solidaire et à la lutte pour sauver la Planète.
C’est le moment favorable où, n’ayant rien à perdre, je veux répondre à ce rêve d’un monde de justice et de paix. Bannir la violence qui s’est installée et qui risque de nous polluer pendant des décennies. Je veux transmettre un monde fraternel et réconcilié à mes enfants et petits-enfants. Je veux leur laisser une planète respirable et vivante. Je veux d’une Europe paisible et accueillante, où les puissances d’argent n’ont plus cours, où la morgue et le dédain des suffisants qui paniquent et veulent sauver leur peau, au détriment des plus pauvres, seraient écrasés. La société, l’humanité, la planète seront ce que nous en ferons….
Ce qui doit ad-venir est entre nos mains.
Jeunes et vieux, on y va ?
En marche les ardents ! En avant les passionnés de l’Homme !
Brisons les chaines des esclavages où ils veulent nous enfermer.
Pour libérer la Liberté et la fraternité !

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