Chrétiens et Gilets Jaunes 1

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Chrétiens et Gilets jaunes

Peut-être serait-il intéressant que les chrétiens (et les autres) s’ouvrent aux grands « événements » de l’histoire biblique,  aux paroles évangéliques et à la doctrine sociale de l’Eglise pour éclairer leur démarche vis-à-vis (ou avec) les gilets jaunes aujourd’hui.
Je voudrais en quelques posts reprendre quelques thèmes qui peuvent les « inspirer ».

Je retiendrais quelques approches qui m’ont éclairé dans ma réflexion.: la sortie d’Egypte, l’attitude du Christ durant sa vie publique, la doctrine sociale de l’église, la théologie de la libération et les appels du du Pape François.

Les attitudes frileuses de certains chrétiens m’interrogent. Des commentaires sur des réseaux sociaux de groupes dits « ouverts » (ou se positionnant comme tels) m’interrogent quant à leur critiques parfois épidermiques  sur la vie sociétale aujourd’hui; Vieux relents d’observances de l’autorité ? « Valeurs » chrétiennes d’obéissance, de respect, d’ordre, dénaturées ?  Vécu d’une religion (plus que de foi) désincarnée ou idéalisée, déconnectée des réalités d’aujourd’hui ? Morale personnelle en berne parce que sans référence ajustée ? Je m’interrogent sur cette fêlure/rupture entre foi et vie sociale/sociétale. Un de mes amis communistes s’exaspérait lors des dernières présidentielles : « mais, non d’un chien ! tous les chrétiens devraient être révolutionnaires comme le Christ ! ». Le « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » est bien pratique pour justifier ce qui me semble être une démission facile et tranquille. On oublie que « rendre à Dieu ce qui est à Dieu, » c’est faire en sorte que tout serve à la liberté, à la dignité, à la grandeur des  êtres humains. Cette parole du Christ demande qu’on cesse de servir l’argent comme un but en soi, pour lui-même, comme une idole, comme une source d’enrichissement au détriment des hommes.

Alors, loin de vouloir chercher justification ou explication et de vouloir tomber dans des débats houleux je voudrais partager  ci-après quelques convictions de croyant.

Chrétiens et Gilets jaunes
(lire l’introduction de ce post qui fait partie d’une réflexion en 4 démarches)

1-)  la sortie d’Egypte.

Pour le tout-venant, peu féru d’histoire ou incroyant, il se rappellera sans doute le film les dix commandements avec Yul  Brunner qui a imprimé ces faits dans les mémoires.

Rien d’historique sans doute dans le récit, si ce n’est une bandes de gueux qui tentent de fuir l’esclavage que leur imposaient les Egyptiens . C’est plutôt une relecture idéalisée, amplifiée  de croyants invités par leur Dieu à se dresser dans leur dignité. Du moins abordons l’histoire sous ce regard et non par une approche théologico-historico-exégétique dont ce n’est pas mon sujet et encore moins relevant de ma compétence. Mais je lis et je cherche à entendre des mots pour aujourd’hui.

Car de quoi s’agit-il ? De quitter la servitude et la misère dans laquelle étaient plongés les hébreux pour entrer (difficilement) dans un chemin de liberté. Ce chemin est long : 40 ans dans le désert.
Ce vécu d’inhumanité en Egypte (corvées, fouets, manque de nourriture, garçons nouveaux nés trucidés… ) illustrait déjà la main mise des puissants sur les faibles, justifiait les exploitations et les esclavages  de ‘l’étranger », de l’immigré …

Et Dieu « voit » : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs. Oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer » dit-il. Cette situation ne peut perdurer. « J’ai vu la misère de mon peuple ! » Situation intolérable!  Inadmissible !
Il appelle Moïse pour fédérer (difficilement encore !)  le peuple hébreu encore esclave. Il en faudra des plaies, les dix plaies d’Egypte, pour faire plier un pouvoir aux abois qui ne veut rien lâcher et qui transige, tergiverse, noie le poisson avec des subterfuges dérisoires et mensongers.
Le mot est fort : le texte biblique parle de « libération ». Cette libération par le truchement de Moïse est celle faite par Dieu lui-même : « Le Seigneur lui-même marchait à leur tête : le jour dans une colonne de nuée pour leur ouvrir la route, la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer ; ainsi pouvaient-ils marcher jour et nuit. Le jour, la colonne de nuée ne quittait pas la tête du peuple ; ni, la nuit, la colonne de feu. »
Comment apprendre à voir dans les braseros de nos ronds-points aujourd’hui, comme des colonnes de feu,  cette présence de Dieu qui appelle le « petit » à se libérer des esclavages et des servitudes dont ils est l’objet, qui veut qu’il se dresse dans sa dignité ?
Quelles sont nos « Egypte » aujourd’hui ? Celles qui mettent à mal notre dignité ? L’équilibre de nos familles ? L’avenir de nos enfants ? La sérénité d’un avenir ? Celles qui rendent esclaves par manque de temps, d’argent, de nourriture, de fraternelle solidarité ? Faut-il vraiment entretenir le statu quo social de tous les déshérités de la Nation ou appeler à se révolter face à ce qui avilit, déshumanise, exploite ?

Pourquoi, chrétiens, fermer les yeux sur ces élans de générosité, de fraternité, de solidarité ?
Ouvrirons-nous nos cœurs pour ne plus juger cataloguer, enfermer afin de justifier nos propres démissions et nous conforter dans nos fausses certitudes ? Quand entendrons-nous les murmures de l’Esprit qui invite sans cesse à nous lever, nous mettre en marche, nous dresser et, en même temps, entendre les invitations à élargir nos cœurs par l’amour et la tendresse à partager, qui soigne et panse les cœurs meurtris, les vies brisées ?

Nous, chrétiens, ne participerions-nous pas à cette délivrance ? Nous camperons-nous dans nos agacements et nos regrets de tranquillité ?
Accepterons-nous de laisser Pharaon, ses chars et ses armées poursuivre ceux qui fuient violence et misère, coups et blessures, qui recherchent toit, nourriture et fierté pour retrouver une terre promise où coulent le lait et le miel ?
Et, encore plus, accepterons-nous de faire un bout de chemin avec ceux qui traversent le désert de la vie, accepterons-nous d’être des  com-pagnons (ceux qui partagent le pain ) ? Serons-nous ceux qui chanterons avec eux (d’une autre manière sans doute !) le Magnificat « Déployant la Force de Son bras, Il disperse les superbes
Renverse les puissants de leurs trônes, et élève les humbles
Comble de biens l’affamé, renvoie les riches les mains vides » ?

Étonnant comment un « petit fait divers » est devenu, dans l’histoire du peuple croyant, une clé de voûte de la naissance d’un peuple nouveau.
Que se passe-t-il aujourd’hui dans mon pays ? L’Histoire, son Histoire n’est-elle pas en train de s’écrire à neuf ? Avec balbutiements sans doute, colères et espoirs mélangés, avec débordements parfois comme avec élans de générosité; mais déjà grosse de promesses, d’Inouï, d’Inédit.
L’avenir s’ouvre. C’est l’heure du Kaïros, du moment favorable…
Le regarderons-nous simplement passer ?

à suivre
– vie du Christ et refus de toute compromission : https://kestenig.fr/chretiens-et-gilets-jaunes-2/
– théologie de la libération: https://kestenig.fr/chretiens-et-gilets-jaunes-3/
– la doctrine sociale de l’Eglise : https://kestenig.fr/4-chretiens-et-gilets-jeunes/
– mistica : https://kestenig.fr/mistica-des-sans-terre-et-gilets-jaunes/

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