Le Grand Oublié …

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lavement des pieds peinture dans l'Eglise de St Tugdual
Dieu est un Dieu à genoux devant l’homme (Lavement des pieds : peinture de l’Eglise  St Tugdual)

Dans la cacophonie actuelle tant politique que sociale, humanitaire ou religieuse, telle qu’elle se décline en particulier sur les réseaux sociaux chacun y va de son analyse, de son sentiment, de sa justification.
Les sujets sont sensibles il est vrai mais à divers degrés. Rien de commun entre les couacs gouvernementaux, les péripéties de l’Aquarius, les séismes en Indonésie, ou les guerres en Irak ou au Yémen ou les problèmes des abus sexuels des clercs.
Certains sont péremptoires et définitifs et donc dérisoires.
Pour d’autres, j’apprécie les commentaires quand l’homme (l’humain) et sa dignité sont mis en avant. Leur démarche est d’interroger à travers des propositions, des ouvertures, des recherches de solutions et de vérité.
Ce qui me frappe c’est que jusqu’à présent, je n’ai jamais lu ou entendu le questionnement qui répercute le cri de Dieu. Et Lui, dans tout ce fatras de colère, de mépris, d’injonctions, qui s’en soucie ? Il est le Grand Oublié !
A poser cette question, je sais, tout de suite affleure le scepticisme, l’incroyance, l’indifférence à défaut de franche rigolade.
« Qui est Dieu ? S’il est tout puissant pourquoi permet-il tout cela ? A quoi sert-il ? etc… »
Résonne en moi  le cri d’Etty Hyllesum qui pendant la guerre 39-45, a travaillé dans le camp de détention de Westerbork en Hollande comme assistante sociale auprès des réfugiés Juifs. Elle y sera internée à sont tour pour être ensuite déportée à Auschwitz le 7 septembre 1943 où elle sera assassinée. Elle avait 29 ans. Dans son cahier, elle écrivait :

« …. Cette nuit pour la première fois, je suis resté éveillée dans le noir, les yeux brûlants, des images de souffrance humaine défilant sans arrêt devant moi. Je vais te promettre une chose mon Dieu, oh, une broutille: je me garderai de suspendre au jour présent, comme autant de poids, les angoisses que m’inspire l’avenir; mais cela demande un certain entraînement. Pour l’instant, à chaque jour suffit sa peine. Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire: ce n’est pas toi qui peut nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte: un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre au jour dans les cœurs martyrisés des autres. Oui, mon Dieu, tu sembles assez peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne t’en demande pas compte, c’est à toi au contraire de nous appeler à rendre des comptes, un jour. Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon cœur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous. Il y a des gens – le croirait-on ? – qui au dernier moment tâchent de mettre en lieu sûr des aspirateurs, des fourchettes et des cuillers en argent, au lieu de te protéger toi, mon Dieu. Et il y a des gens qui cherchent à protéger leur propre corps, qui pourtant n’est plus que le réceptacle de mille angoisses et de mille haines. Ils disent : Moi je ne tomberai pas sous leurs griffes! Ils oublient qu’on est jamais sous les griffes de personne tant qu’on est dans tes bras. .. » : Extrait du journal d’Etty Hillesum (« Une vie bouleversée Journal 1941-1943, Lettres de Westerbork »).

C’est de ce Dieu impuissant dont il faut « s’occuper ». Dans le cri des hommes bafoués humiliés, torturés, affamés c’est son cri qui hurle !  C’est à nous de l’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui l’abrite en nous. Dieu a besoin des hommes.
Comment ? Florin Callerand de la communauté de La Roche d’Or affirmait :
 « …Pratiquer la miséricorde envers Dieu, car Il en a besoin dans un monde qui lui fait mille misères et souffrances, par ses errances, ses arrêts de croissance, ses blessures, en l’aidant en chacune de ses créatures comme en soi-même, c’est certainement là le rôle le plus royal de la liberté humaine …  »
Oui je crois que c’est en vivant la compassion pour tous les hommes indistinctement et ardemment que nous réconforterons le Grand Oublié de nos pugilats verbaux sur les réseaux sociaux ou dans les médias.
Entrons dans notre rôle le plus royal : Dressons-nous dans nos humanités et notre dignité !

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