Le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre du Brésil (MST) est un des nombreux mouvements de sans terre. Il y en aurait plus de 90 paraît-il, dont le CPT, le Conseil Pastoral de la Terre , organisme ecclésial .
Le Mst célèbre plus de 30 ans d’histoire. Il fête son anniversaire le 25 Janvier cette année. Il est le fruit des mobilisations sociales qui marquèrent la lutte pour la démocratisation du pays et pour les droits sociaux du début des années 80.
Parler du Mst c’est parler d’un événement fondateur, celui du massacre du 17 avril 1996 , au cours duquel 21 paysans trouvèrent la mort, 120 autres furent blessés par les forces de l’ordre. 4 décédèrent de leurs blessures, 15 restèrent invalides. Cet acte barbare imprègne l’histoire et la mistica du MST… et l’histoire récente du Brésil. Il fut photographié par Sebastian Salgado, artiste photographe internationalement connu. L’exposition de ses photos pendant 2 ans provoquera 93 comités de soutien au MST, et tout un mouvement contre contre l’impunité et pour les droits de l’homme. Ces photos seront aussi à l’origine des fonds réunis grâce à la solidarité internationale qui permettront d’acquérir le terrain sur lequel est construit l’école Florestan Fernandes (voir précédent post) ainsi que les matériaux nécessaires à sa construction.
Présentons rapidement le contexte avec quelques chiffres :
-Le Brésil est l’un des pays à la plus grande concentration de la propriété foncière au monde : 73,7 % des paysans, petits propriétaires, disposent de 12 % de terres, pendant que 0,8 % des paysans en possèdent à eux seuls 31,7 %
– Au Brésil, 1,6% de grands propriétaires détiennent 43,8% de la terre, tandis que 57,6% des propriétaires ruraux (soit plus de 2,440 millions de familles) possèdent 6,3% des terres.
– On estime à 5 millions le nombre de familles de paysans sans terre.
– Le Brésil est le premier producteur mondial de soja et de canne à sucre. Ces cultures représentent environ 50% des terres cultivées.
– Entre août 2007 et juillet 2008, la déforestation de l’Amazonie a connu une hausse de 64,4%. Depuis vingt ans, un hectare de forêt disparaît toutes les dix secondes.
Un peu d’histoire…
L’histoire de la Terre du Brésil et des sans Terre remonte à sa découverte en 1492. La « découverte » ( la vraie « découverte » du Nouveau Monde date de 70 000 an !) allait entraîner des luttes de pouvoirs et d’avoirs dès les premières décennies, en particulier vers les années 1530 quand Portugal et Espagne se battent pour étendre leur empires.
Le premier aménagement du territoire brésilien planifié par la couronne portugaise établissait une division du Brésil en régions appelées « capitaineries », dont le titre d’exploitation était attribué à des Portugais, dans des zones parfois plus vastes que le Portugal même. Ce titre garantissait à ses détenteurs le droit de désigner des autorités administratives, des juges et d’organiser la redistribution des terres. Ce système avait la particularité d’accorder un droit d’utiliser la terre et d’en récolter les profits, de façon héréditaire, mais n’accordait pas de droit de propriété individuelle sur la terre, qui restait propriété de la couronne.
Ce modèle a jeté les bases du système de production agricole colonial centré sur la production à grande échelle, destinée à l’exportation vers le Portugal, et basé sur un régime de travail esclavagiste. Certains esclaves en fuite créeront des communautés cachées, ce seront les quilombos qui seront poursuivis tout comme les indiens qui défendent leurs terres.
(L’histoire passionnantes des quilombos mériterait plus qu’un post. Découvrez-la sur Google). Il font, eux aussi, partie des sans terre d’une certaine manière. Le gouvernement brésilien estime leurs descendant à deux millions et à trente millions d’hectares la surface qu’ils sont en droit de réclamer. la constitution de 1988 offre à leurs descendants la possibilité de s’approprier les terres qu’ils exploitent, ce qui provoque des conflits. Pour donner une image plus concrète, il faut s’imaginer deux millions de personnes demandant la possession d’une terre disséminée dans tout le Brésil ayant la superficie de l’Italie!)
Les indiens feront aussi les frais de cette main-mise de la terre au profit de quelques uns. Aujourd’hui, ils se composent de plus 305 peuples différents parlant 274 langues distinctes avec une population d’environ 900 000 et luttent aussi pour leur droits ancestraux à la terre.
Depuis les années 1630 jusque vers 1950 il y aura des ainsi des révoltes de la part de ces peuples auxquels il faut ajouter aussi les petits propriétaires… On devine le résultat : répressions, meurtres, violences, dénis des droits divers.
Qui sont les « personnes en face » aujourd’hui ?
– Les grands propriétaires, souvent des politiques (députés) qui possèdent aussi la plupart des médias. (voir le post récent et celui à venir).
– les petits propriétaires qui achètent des terres pour investir ou pour leur loisirs
– les multinationales : pour s’en tenir à la France : Alstom et GDF Suez, EDF (dont l’Etat détient 86 % de part), se lancent sur des projets au mépris de toutes considérations humaines et sociales et environnementales (comme le projet de São Lui, ceux à venir des autres grands barrages en Amazonie (Belo Monte). Aucune étude d’impact sur cette région à l’Ouest du Rio Xingu, une région encore largement préservée, abritant une biodiversité unique et des centaines de milliers d’indigènes et de populations traditionnelles disséminées et donc peu organisés pour résister aux méthodes d’intimidation de ces compagnies mais désireuses de défendre farouchement jusqu’à la mort leur environnement. A terme 40.000 personnes expulsées dans une zone de 100 km sans indemnisation aucune.
Il en va ainsi également des concessions pour l’exploitation de gaz de schiste par fracturation hydraulique. 72 concessions viennent d’être attribuées sur 240 : parmi elle la multinationale française GDF Suez. Là aussi aucune études d’impact humaines et environnementales.
Aussi, quand le Mst constitue une base sociale de près d’un million de personnes sans terre
, on comprend sa lutte pour la réforme agraire et contre tous ces propriétaires qui s’approprient des milliers d’hectares pour faire des profits financiers au détriments des hommes et de la planète : toujours plus d’hectares pour le soja, pour l’élevage, pour l’éthanol, … exploitations anarchiques, épuisant et polluant sols et sous sols, défiant droits étatiques, humains, sociaux, du travail, environnementaux …
On comprend aussi pourquoi il devient, par sa probité et son exigence et justice et de vérité, une « conscience » des hommes et de la planète, une espérance pour bien des hommes acculés au désespoir et tout simplement une bouffée d’oxygène quotidienne pour toutes et tous ceux qui s’indignent et cherchent de nouvelles voies vers cette société rêvée, et luttent pour qu’elle soit plus juste et moins inégalitaire… à suivre …
Une réponse sur “L’histoire du MST 3/6”