Meilleurs vœux !

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Meilleurs vœux

En ce premier jour de l’année 2023, avec toute ma petite famille réunie, nous sommes partis faire une promenade du côté de Thoard, à la chapelle Sainte Madeleine. Elle a ceci de caractéristique que, dans ce qui était ruines, l’artiste Andy Goldworthy, expert dans le Land Art, a créé une œuvre que j’aime beaucoup. En moi est montée, comme donnée, une invitation pour chacun de vous à l’occasion des traditionnels vœux de nouvel An.

Il s’agit d’une mandorle, tout en creux, faites de moellons de pierres : L’artiste lui-même nous sollicite pour habiter quelques instants cette cavité qui est « un espace où des personnes pourront se tenir, un lieu où d’autres se seront tenus avant elles, où d’autres se tiendront après. Chaque visiteur renforcera cette présence humaine… » Comme une manière de s’inscrire dans la ronde du temps et d’établir un lien de fraternité avec nos semblables, une chaîne de solidarité à travers les âges, desquels nous sommes, pour aujourd’hui, en ce simple temps de passage dans ce lieu, comme le pivot. Il nous reviendrait de faire le lien entre ceux avant nous et ceux qui nous suivront. Ne serait pas là une manière de vivre l’éternité dès maintenant ?

Une autre lecture nous a été donnée par deux personnes du village que nous avons croisées et qui y venait « faire un vœu pour l’année qui vient » : il s’agissait de se placer dans « l’œuf » et de prononcer en ce premier jour de l’an un vœu. Cette image de l’œuf m’a plu, car ouvert ou cassé, il invite à une naissance inédite pour démarrer l’année sous des auspices renouvelés. Belle invitation pour dire que chaque moment, chaque instant peut être l’occasion d’un nouveau départ : rien n’est figé, définitif, et il est toujours possible de repartir à neuf. Cet « œuf » est comme un berceau dressé pour passer d’une situation couchée à une mise debout pour franchir un seuil et oser un pas quand tout semble fermé. L’artiste a eu la délicatesse de poser une marche pour nous aider à sortir de ce qui pourrait être une bulle.

Pour ma part, j’ai partagé avec les miens ma propre lecture. J’ai vu dans cette mandorle le symbole d’un tombeau ouvert et vide. Il faut savoir que la forme en amande est celle qu’utilisaient les artistes du Moyen-âge pour y représenter le Christ en gloire. Le Christ vainqueur de la mort et appelant à Sa Vie : « Ne cherchez pas parmi les morts celui qui est vivant » semble dire ce vide. On retrouve aussi ce symbolisme dans le bouddhisme.

Si la mandorle représente la sphère céleste, y habiter en son sein quelques instants, nous permet d’élever notre regard et notre vie vers des hauteurs plus « spirituelles » et ne pas se satisfaire des futilités routinières qui peuvent nous assaillir. Comme une proposition à ne pas s’appesantir, à choisir la Vie, à ouvrir ses portes, et à se laisser habiter par elle, plus que par la mort. C’est peut-être là tout le sens de cette rude montée montagnarde vers ce lieu.

Entrée sans porte

Mais il est un autre symbole que je retiens : cette coquille en forme d’amande fait face à l’entrée de la chapelle. Comme en vis-à-vis de ce tombeau ouvert, à travers ce qui était la porte qui n’existe plus,la pénombre s’ouvre vers la lumière extérieure et vers la vie, lumineuse, colorée et comme en germe dans son hibernation prometteuse de nouveaux printemps. Ce n’est plus une faille mais une immense béance qui appelle : Cette œuvre d’art n’est plus une tombe où nous pourrions nous enfermer, ce n’est pas un lieu d’habitation où demeurer. Elle n’est que signe, pour nous inviter à « voir » d’autres frontières, invisibles celles-là, celles où vivent, dans les désolations, des hommes et des femmes arrachés à la tendresse des leurs.L’expérience de nos morts et de nos ténèbres personnelles, tout comme l’absence d’un être cher, nous fait découvrir aussi, qu’à l’intime, une autre forme de présence se murmure comme une invitation confiante à vivre dans la Paix et à sortir de ces désolations.

Parmi les ex-voto hétéroclites, un morceau de tuile sur lequel est écrit : « Faites que tout le monde soit heureux et vive une belle vie ». Mots d’enfant sans doute, mais pleins de cette intelligence que la beauté sauvera le monde. Et en écho, dans une anfractuosité, sur un autre tesson déposé là, une phrase de St Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ».

Que puis ajouter de plus ? Sinon, de faire vôtres pour cette année nouvelle ces banales invitations à prendre soin de chacun, dans une attention ouverte et fraternelle, de tirer bon profit de vos rencontres familiales et amicales, de faire confiance en la puissance de vie qui nous habite, d’entrer dans une espérance constante que tout est toujours ouvert et de vivre la bonté pour que surgisse la beauté.

Bonne année à vous !

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