Ce qui me frappe pendant ce temps de pandémies, sans vouloir bien sûr généraliser, c’est l’existence franche de deux groupes : les pros et les antis… quelque soit le sujet.
Nous les retrouvons à la fois dans le société et dans les religions.
Le clivage est net et ne fait appel à aucune tolérance.
Dans la société, le confinement ou pas, sa levée, l’hexachlorodine ou non, l’accès aux plages, la reprise scolaire, tout devient sujet à avis péremptoire et souvent définitif.
Il y a ceux qui voient une occasion inespérée de remettre, autant que faire se peut, les pendules à l’heure en ce qui concerne un renouveau écologique planétaire et ceux qui veulent retrouver rapidement l’économie d’avant, comme si rien ne s’était passé.
Solidarité contre égoïsme.
Nous retrouvons dans les religions une exaspération encore plus grande concernant les possibilités de culte et la religion catholique semble vouloir affirmer son identité sans nuance aucune, à la différence d’autres approches religieuses plus nuancées et tolérantes face aux dates de déconfinement comme le judaïsme et l’Islam.
Les pressions des cathos tradis sur le gouvernement deviennent désolantes. et chez eux, nous retrouvons à la fois le respect des lois républicaines mais aussi une approche crasse que Dieu les sauvera.
Il y a ceux qui veulent rapidement venir à la situation d’avant et ceux qui se prêtent aux invitations de l’Esprit pour entendre la nouveauté qui pourra surgir de ces expériences.
Dans les deux cas (citoyens ou croyants), la virulence farouche des uns et des autres me laissent pantois. Les intégristes de l’économie et ceux de la foi ne semblent n’avoir rien compris des enjeux nouveaux qui se dessinent. Rie ni personne ne semblent pouvoir les interpeller de manière objective.
A l’inverse, la fébrilité de ceux qui veulent changer de paradigme économique ou politique en tant que citoyens, ou de ceux qui veulent mettre leur foi en tant que croyants à la lumière des nouvelles données (théologiques, morales, exégétiques, dogmatiques ou autres) .
Cette dualité entre deux blocs politiques ou religieux ne date pas d’aujourd’hui .
Elle fait aussi partie de notre condition humaine et constitue chacun dans ses efforts à se vivre en unité. L’intolérance tout comme le respect inconditionnel nous traversent.
je me surprends souvent à « être en pétard », de manière parfois virulente, contre tous ces gens qui ne pensent ou n’agissent pas comme moi. Il est des « évidences » dont je ne comprends pas qu’elles ne le soient pour d’autres.
Dans tous les cas, des enseignements s’imposent
– l’intransigeance des uns et des autres conduit à un individualisme déplorable.
– le centralisme étatique et/ou romain nous conduit vers des formes liberticides et dépersonnalisantes
– On ne peut plus vivre sur des acquis qui sont certes sécurisants; mais la vie politique ou libérale ne peut plus continuer « comme avant »; tout comme une foi figée dans des dogmes devient « in-croyables », des pratiques cléricales sclérosées et inadaptées deviennent dépassées.
– la dimension sociale étatique devient prioritaire face aux profits tout comme la dimension communautaire ecclésiale doit prendre de l’envergure face à une religion trop individualiste ou repliée sur elle-même.
– la recherche ou la quête d’une intériorité pour un mieux vivre-ensemble devient incontournable . Cette « spiritualisation » de l’homme est le devenir de l’humanité.
– La Vérité en soi n’existe plus. Chacun porte sa part de vérité. Et ce ne sont pas les oukases des hommes politiques ou religieux qui aideront les êtres humains. On ne peut plus décider pour eux, leur dire que faire, que croire. L’apathie ou désinvolture des citoyens et des croyants ne sont qu’apparentes.
– nous nous en sortirons tous ensemble ou pas du tout; et ce à un niveau planétaire
– la dimension de solidarité devient incontournable.
– Au vu de cette expérience de confinement et des modalités de reprises tant communautaires qu’individuelles, on peut dire que l’avenir (du monde, d’un pays, d’une religion, …) ne sera l’affaire que d’un petit nombre pour l’instant : des personnes à la fois convaincues mais tolérantes, audacieuses mais respectueuses, prophètes mais bien ancrées dans le réel. Elle sont et seront l’espérance et l’avenir du monde.
– C’est ce « petit reste » qui a toujours fait avancer le monde. Empli de foi en l’homme, ils sait que ce chemin humain est le chemin de Dieu.
– Des « poches » de résistance faites de petites communautés humaines seront le terreau pour qu’advienne le nouveau Monde. Les grands « machins » tout comme les hommes providentiels seront à fuir.
– Il n’y a pas de « sacré ». Mais tout est saint.
L’enjeu de demain sera celui de l’unité. Schismes, divisions, partis, clans, devront disparaitre de la Terre. Mais pas au détriment d’un bloc sur l’autre. Si chacun veut prendre le dessus pour affirmer ses positions nous allons au clash.
Oui, il y a du boulot. Cela s’appelle une révolution en politique ou une conversion en religion. Toutes deux essentielles dans leur dimension à la fois collective et individuelle.
Qu’est ce que l’homme ?
Pour terminer ce billet je vous partage ce texte de Zundel reçu pendant ma méditation de ce jour (voir groupe « meditants » ci contre à droite) :
« … Personne ne pourra jamais forcer notre estime, contraindre notre jugement ou violer notre cœur.
Et pourtant, ce que nous sentons inaccessible en nous, il nous semble facile de l’atteindre chez les autres. Nous nous flattons de surprendre leur psychologie, grâce à un coup d’œil pénétrant, et, définissant leur caractère en deux ou trois traits, nous prétendons saisir et le secret de leur conduite et celui de leur personnalité.
Et nous en venons très vite à identifier les êtres avec leur fonction, en leur appliquant à longueur de journée des jugements qui, retournés contre nous, nous apparaitraient comme le comble de la folie, de l’impudeur et de l’injustice.
C’est ainsi qu’avec une tranquille inconscience, nous tuons les âmes.
Et, ce qui est vrai d’individus auxquels nous avons le plus immédiatement affaire : nos enfants, nos collègues, nos chefs, nos subordonnés, est plus vrai encore des collectivités où nous enfermons artificiellement la plupart des hommes.
Nous avons une facilité étrange de penser par groupes : telle classe, telle profession, telle race, tel peuple. Qu’il y ait sous ces étiquettes des êtres vivants dont chacun a une destinée personnelle, nous n’éprouvons aucun scrupule à l’ignorer. Et nous portons, avec une assurance dogmatique, sur des millions d’hommes, dont nous ignorons le langage, les œuvres et la vie, dont nous ne connaissons intimement aucun, des jugements définitifs, qui les obligent éternellement à être ce que, pour la commodité de notre système ou la vanité de notre information“, nous avons déclaré qu’ils devaient être.
Comme il est urgent de défaire en notre esprit ces unités factices, et de discerner, dans le groupe, les personnes : chaque personne, avec son devoir merveilleux et son droit imprescriptible de vivre humainement !
L’humanité est en péril de mort, parce que tous les problèmes — pédagogiques, économiques, sociaux, politiques — sont posés dans l’abstrait, en l’ignorance systématique de la question qui les éclairerait tous :
Qu’est-ce que l’homme?
Que voulons-nous sauver, en définitive? Quelle est la valeur, commune à tous les hommes, dont nous sentons obscurément que toutes les autres dépendent, sinon la vie ? …
« …Vous n’accepterez donc plus, désormais, dans la mesure où vous pouvez exercer dans la société une influence quelconque, qu’on discute n’importe quel problème, sans examiner d’abord quelle en sera la répercussion concrète sur ces hommes, vos frères et vos enfants, sur leur vie en toute son ampleur, sur l’éminente dignité de leur esprit et de leur cœur… »
Maurice Zundel L’Evangile intérieur
Oui, qu’est ce que l’homme pour qu’il puisse juger, enfermer, cataloguer ?
Un frère en humanité, à l’éminente dignité.