Depuis quelques temps je reçois par des amis ou des proches de manière récurrente une invitation à regarder le film « C’est quoi le bonheur pour vous ? » de Julien Peron
(le film est ci-dessous : durée 80 mn)
Méfiant, je ne donnais pas suite à ces multiples propositions pressentant peut-être une nouvelle technique pour accéder au bonheur. Les médias, les livres sur les étals, les revues spécialisées d’ordre psychologique ou ésotérique ne manquent pas pour nous montrer le chemin du bonheur. C’est devenu un droit : celui pour chacun de vivre le bonheur : il suffit d’en prendre les moyens. … et les arnaques sur ce sujet ne manquent pas ! … et les gourous, tout comme les charlatans, sont nombreux sur la place publique.
Le bonheur est devenu un créneau à la mode et beaucoup s’en emparent : Les médias nous disent que « le bonheur est dans le pré ». Les politiques (François Ruffin s’interroge dans son livre « il est où le bonheur ? »). Les neuroscientifiques, les sociologues, même les économistes savent jongler avec le concept pour vendre ce dont nous n’avons pas forcément besoin mais qui nous ouvre à un plaisir ou un bonheur garanti, même fugace.
De nombreux experts tentent de décrypter, de quantifier, de qualifier notre bonheur… Les Etats ne sont pas en reste pour proposer dans certain pays un BIB : un Bonheur Intérieur Brut, nouvelle mesure pour quantifier la réussite d’un pays à la place du PIB (Produit Intérieur Brut)…
Ce Bonheur intérieur brut (BIB) est une « invention » pas si bête mis en place au Bhoutan il y a 50 ans.
C’ est un indicateur très sérieux car il résulte d’un calcul qui repose sur quatre critères : « croissance et développement économique », « conservation et promotion de la culture », « sauvegarde de l’environnement et utilisation durable des ressources » et « bonne gouvernance responsable ».
N’est-ce pas ce dont nous aurions urgemment besoin (critères de durabilité, de solidarité, de respect des hommes et de la terre, de bien vivre ensemble…), face aux défis sanitaires et climatiques dans lesquels nous sommes plongés ? L’argent ne serait plus le nerf de vie économique et sociale mais simple moyen d’échange et de partage.
Un film de Julien Peron
Aussi, la multiplicité des sollicitations m’a poussé à répondre et à visionner le film.
Qu’en penser ?
Je vous invite à le regarder pour vous en faire vous-mêmes une idée pendant qu’il est encore disponible (voir en fin d’articles, 80 mn) . Il est en visionnage gratuit pour l’instant dans le cadre du confinement. Il mérite d’être découvert.
Le film est intéressant dans la mesure où il nous montre des témoins qui vivent de ce bonheur. Ils savent (et certains « savent » d’un savoir intellectuel, apparemment) nous dire qu’il est effectivement à la portée de tous. Qu’une ascèse est nécessaire pour habiter dans le lieu intérieur de bonheur et qu’il n’est pas acquis une fois pour toutes. C’est un travail de tous les instants qui trouve un accomplissement dans l’altruisme et l’amour porté inconditionnellement à chacun.
Les propositions pour acquérir une certaine sagesse, un style de vie simple, sobre et joyeux sont appelantes et donne vraiment envie de chercher ce bonheur. On peut parler d’un film « d’utilité publique »….
Une aspiration et une soif d’unité inscrites au cœur de tout homme
je note qu’à travers cette recherche ou cette quête pour être heureux deux points ressortent :
– depuis des millénaires, l’inscription au fond de chaque être d’un désir profond d’être heureux est présent. Tout homme dans n’importe quelle région du monde est concerné par cette aspiration à vivre en plénitude.
– A travers les témoignages dans le film se dit aussi un besoin d’unité intérieure chez l’homme, du moins pour les personnes qui ne dépendent pas de contingences extérieures (santé, nourriture, sécurité…) nécessaires à leur vie ou leur survie ou celle de leurs proches. Le bonheur, s’il se déclinait sous forme de bien-être intérieur, serait-il réservé aux « nantis » spirituels et matériels délivrés de la recherche de satisfaction des besoins vitaux ?
Ayant visionné ce film, un sentiment de justesse et de paix intérieure m’habitait… et bien sûr une forte envie d’accéder au bonheur et d’en prendre les moyens !
Pourtant, je suis resté sur ma faim. Peu à peu une interrogation s’en faite en moi : Le bonheur s’apprend-t-il ?
Oui, en partie, et il nous faut prendre les moyens pour le trouver et y demeurer. Ok ! nous avons notre part à faire.
Le bonheur : à saisir et/ou à recevoir ?
Mais je me pose des questions :
– La plénitude heureuse est-elle vraiment parfaite, comblant dans cette manière personnelle de chercher le bonheur ?
Ce bonheur, n’est-il pas aussi (d’abord ?) quelque chose à recevoir ? Quelque chose qui est donnée à chacun ? Il est là. Depuis notre naissance. Et il n’est pas seulement à saisir à coups d’efforts, de savoirs, de techniques ou avec l’aide de maîtres à penser.
Ne s’agirait-il pas simplement de désensabler la Source qui est en nous qui nous permettra de nous poser dans une attitude intérieure profonde d’unité et de bien-être avec soi, son Dieu, les autres et de l’accueillir ?
Et, surtout, plus que dans le but de « vouloir » les posséder (on ne peut y arriver !… et ce n’est guère souhaitable s’il était au bout de notre volonté !) , c’est dans les moyens pour y accéder que nous trouverons la pleine mesure de notre joie de vivre et de notre bonheur. Et à ce titre, le bonheur est un chemin intérieur, jamais acquis une fois pour toutes, jamais définitivement atteint). C’est comme une façon de voyager. N’est-il pas une réponse à un appel intérieur et à un acquiescement pour le recevoir, et le recevoir encore, et encore… ?
Il se mesure au cœur de nos différents états de vie : J’ai souvent été étonné de voir des personnes (handicapées en particulier, durant ma vie professionnelle) vivre une sérénité confiante au cœur de leurs souffrances comme au cœur des temps de répit.
Elles étaient habitées par La Vie. C’est avec elles, en leur compagnonnage, que j’ai pu voir que « ça » ne dépendait pas seulement d’elles d’être heureuses mais dans leur capacité à recevoir et à vivre une ouverture simple et confiante la Vie qui les habitait, envers et malgré tout.
Le bonheur : disparu du champ de la tradition chrétienne?
– Ma seconde interrogation porte sur le cadre, l’environnement de l’émission et des gens interviewés. Les différents intervenants se situaient dans un cadre méditatif propice à cette réception du bonheur. Ils s’en donnaient les moyens, souvent avec des décors orientaux et statues de Bouddha placées dans leur espace de vie.
C’est bien et je ne refuse pas ni dénigre les techniques orientales tels que le bouddhisme, ou indiennes ou le yoga, et autres moyens méditatifs. Ils sont heureux et font grandir. L’Esprit souffle où il veut. L’universalité de l’Esprit et de la quête des hommes se dit là.
Ma question porte plutôt ici : comment se fait-il, que notre tradition religieuse chrétienne qui a façonné nos sociétés occidentales (souvent de manière violente), ait perdu la richesse et l’expérience des premiers siècles de chrétienté qui nous ouvraient à une intériorité et une vie de relation avec la Transcendance qui nous habite ?
Comment les Eglises ont-elles pu la mettre dans un ciel inaccessible et nous déloger de ce regard intérieur, source de bien-être et de …Bonheur ?
Pourquoi aller chercher dans des traditions extérieures ce que nous possédons à notre porte et qui est d’une richesse incomparable ?
Bien sûr, il reste des îlots de prière, de contemplation, de méditation dans le monde chrétien. Et de plus en plus de méditants proposent de plus en plus de moments pour accéder au silence et à la paix des esprits et des corps pour bien vivre et vivre d’une manière heureuse. Ils sont témoins vivants de cette réception que certains appellent « la grâce » et qui avaient été si bien développée par les Pères de l’Eglise, les moines, les ermites des premiers temps …
Ils nous avaient appris à sortir de nous-mêmes, de notre ego en auto-quête de bonheur, pour nous ouvrir et recevoir la Vie de Plus Grand que nous. C’est ce qui manquent à beaucoup d’approches je crois : cette capacité à nous recevoir d’un Autre; je ne peux pas être tout seul l’artisan de la réussite heureuse de ma vie.
Peut-être que je mélange tout… Qu’en pensez-vous ?
« L’héritage chrétien » sur le bonheur, comment le retrouver à partir de la Source, celle que nous enseignait le Christ dans le Poème que sont les Évangiles ? Dit-elle une originalité particulière par rapport aux autres spiritualités ?
Je tenterai d’y revenir dans mon prochain post : Que nous dit Jésus-Christ du bonheur ?
Merci à Julien Peron de nous offrir gratuitement et pendant toute la durée de confinement son film « C’est quoi le bonheur pour vous ? »
J’ avoue que je n’ai pas persévéré longtemps à regarder le film sur le bonheur. Dans ce que j’ai vu, j’ai trouvé cela assez rasoir, plein de bons sentiments et finalement gentillet. Mais j’aurais peut être dû aller plus loin…..
Par contre dans l’évangile de ce jeudi saint, Jésus conclut sur une belle Béatitude : après avoir lavé les pieds de ses disciples, Jésus dit : « si vous savez ces choses, heureux êtes-vous si vous faites ces choses. »
Je trouve cela inspirant actuellement. Jésus a pris un soin extrême de ses amis jusqu’à se faire leur serviteur. Nous voyons comment autour de nous beaucoup prennent soin de leurs voisins, de leurs malades, de leurs concitoyens, marchands, postiers, ramasseurs de poubelles etc.. .
Je suis sûre qu’ils en tirent de la Joie, joie du service de l’autre, même si cela peut paraître fastidieux, mais joie parce que ça correspond à une finalité, une intention de monde partagé, un « telos » comme dit le grec …