Nous avons besoin des autres

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Je dois dire que je suis à la fois estomaqué et triste du défoulement de négativité et de l’agressivité qui se disent dans les Médias et les réseaux sociaux.
Je me sens atteint par ces flots incessant de dénigrements, de désaccords violents, de fakenews, d’agressivité écrites et verbales avec, à la clé, haine et exclusion.
J’ai l’impression, qu’à la limite, les sujets importent peu. Que ce soit les identitaires cathos à propos de la messe, le film Hold-up, les sempiternelles discours des politiques-Diafoirus (ces « grands benêts nouvellement sorti des écoles, qui font toutes choses de mauvaise grâce et à contretemps » disait Molière), tout devient prétexte pour exhaler ce que certains croient être leur vérité et leurs diktats.
Mais d’où vient donc ces attitudes si peu respectueuses de l’autre, ces avis péremptoires qui s’enflamment au quart de tour, ces condamnations immédiates et excluant ?
Le confinement peut être une explication pour « extérioriser » un trop plein … mais de quoi ?Mais plus profondément je crois que le mal vient de plus haut, de plus loin.

Le triomphe du toujours avoir raison ?

– En chacun : ne pas se sentir cru, entendu et respecté ne peut que faire naître une réaction violente … à moins bien sûr d’avoir fait un travail sur soi pour comprendre ce qui se  passe et dépasser l’aspect premier de ce qui pourrait sembler être une agression ou une simple incompréhension. Le premier devoir serait de s’asseoir et de tourner sa langue plusieurs fois dans sa bouche, ou sa plume dans la main, avant de répondre de manière ajustée.

-chez les autres : c’est connu qu’on réveille l’autre dans l’endroit où on se situe soi-même. Si je suis dans un lieu intérieur revendicatif ou paisible ma relation à l’autre se teindra de ces états d’âme et alimentera crescendo la hargne ou la paix entre nous.
De plus derrière l’anonymat des réseaux sociaux chacun peut donner libre cours à son animosité, à sa bêtise et même à sa vindicte. Peut-être alors que l’autre devient l’exutoire de la propre guerre intérieure qui habite l’agresseur.

– chez les politiques : ils sont dans une situation peu facile il faut le reconnaître. Mais faut-il pour cela qu’ils travestissent la vérité, trompent et manipulent leur concitoyens ? Beaucoup d’entre eux, et cela devient de plus en plus flagrant, sont des attitudes de pouvoirs puérils, de gesticulations autoritaires outrancières qui les décrédibilisent et les fragilisent. Sans doute n’ont-ils pas été formés à accueillir cette fragilité en eux et se blindent-ils pour sauver la face. Difficile de reconnaitre ses erreurs, de se remettre en cause : il est plus facile de faire porter le chapeau sur « les autres » qui ne comprennent rien à rien. Trump ou Véran peuvent en être les tristes exemples.
« Il n’a jamais fait de doute pour personne que la vérité et la politique sont en assez mauvais termes, et nul, autant que je sache, n’a jamais compté la bonne foi au nombre des vertus politiques. Les mensonges ont toujours été considérés comme des outils nécessaires et légitimes, non seulement du métier de politicien et de démagogue, mais aussi de celui d’homme d’Etat » affirmait Hannah Arendt.
Face à ces mensonges on ne peut que se gausser, se moquer des incohérences et des incompétences de ces politiques et donner libre cours aux jugements négatifs.

– dans les médias, chiens de garde des pouvoirs politiques solitaires. Ils ne disent pas toute la vérité, procèdent par demies-vérités ou demi-mensonges pour flatter et aller dans le sens du vent dominant que porteraient les décideurs. Comment alors ne pas chercher l’exactitudes des faits et des dires ailleurs que dans les propos médiatiques travestis ? Et comment faire la part de vérité de ce qu’assène cet ailleurs ? Il y a de quoi s’énerver et monter au créneau pour exprimer ses propres certitudes. Il ne reste plus que ses convictions personnelles pour se sécuriser, se convaincre soi-même du bien-fondé de ses avis avant de les asséner à d’autres qui ont intérêts à ne pas contredire …
La puissance de feu des médias est énorme : ils suffit de voir comment et combien ils entretiennent des sujets souvent dérisoires ou archiconnus pour éviter de parler d’enjeux plus essentiels : Qui parle aujourd’hui du réchauffement climatique et de son urgence ? Pratiquement personne : le sujet c’est presque uniquement le confinement dû au Covid.


– dans les religions aussi. Certains sont prompts à relever (et à se complaire ?), par exemple dans l’Eglise catholique, les turpitudes sexuels de certains prélats ou ministres du culte sur facebook ou les incohérences des identitaires tradis sans se remettre eux-mêmes en cause. Ils entretiennent le feu des commentaires entre les avis et les arguments « autorisés » des uns et des autres sans lire ou écouter le propos qui précède… Dans ce lieu des religions je crois que c’est là que se trouve le sommet de la haine et de la méchanceté. Comme lieu de rassemblement, d’unité et de paix bonjour les dégâts !
« Le christianisme est la religion de la sortie de la religion  » disait Marcel Gauchet. Bonne direction ! Mais a-t-on envie de sortir de ce panier de crabe où chacun exprimer sa haine à défaut de témoigner sa foi ?

On ne peut plus s’exprimer sans recevoir des bordées d’injures ou de sarcasmes. Tout est négativité à outrance et l’agressivité surgit à fleur de peau.
On pourrait s’en tenir aux discours gentils, aux animaux partagés (ah ! mon chat, mon chien !), à des recettes de cuisine ou de confiture sur les réseaux sociaux, mais même là il y a matière à défoulement (« t’avais qu’à surveiller ton chien s’il est perdu », bien fait pour toi » , ça manque de sucre…)

J’exagère à peine ! Pour établir un consensus on ne peut plus donc dire sa différence ? Faut-il uniformiser les avis, les approches ? Pire, faut-il être obligé de se taire pour éviter les sarcasmes et le mépris ? C’est ainsi que se forment les replis identitaires où on se regroupe pour penser, croire, et agir de la même manière, en fonction d’un tronc de revendications ou de croyances communes. Sinon, vous voila cataloguer de complotiste, de fasciste si vous êtes à droite, d’islamo-gauchiste si vous êtes à gauche … et ainsi se clôt tout dialogue par des affirmations définitives : »Remballez-tout, c’est moi qui ai raison… »
Peut-être, en fin de compte, que tout le problème viendrait d’une peur en chacun. Celle de ne plus exister (donc de mourir). Elle est « mauvaise conseillère » dit le proverbe. Et si elle peut nous aider à tempérer nos ardeurs, elle peut aussi alimenter nos mal-être.
Le chemin est long pour accepter nos différences et s’accueillir mutuellement sans se diaboliser. Mais ce n’est pas en niant l’autre différent ou en niant ses idées ou ses pensées que ça donnera plus de poids à ma vie. Au contraire, le faire c’est développer la rancœur et entretenir une négativité de soi et de la société dont nous n’avons vraiment pas besoin en ce moment.
Choisir l’unité plutôt que la division : un travail sur soi et une surveillance de soi de tous les instants. On peut commencer à être positif en apprenant à mettre son mouchoir dans sa poche et à se taire… !
Nous avons l’expérience de cela, non ?
L’unité en soi et avec les autres (pas l’uniformité) serait le chemin d’un vivre-ensemble harmonieux …
« Pour être confirmé dans mon identité nous avons besoin des autres » disait H Arendt

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