Comme un parfum d’agréable odeur

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Accroché sur le flanc d’un coteau, le village de Puimoisson était au centre de mes préoccupations ces derniers jours. Non pas la paisible bourgade en tant que telle, mais tous les champs qui l’entourent. Nous sommes fin juin, en pleine floraison de lavande, d’immortelles et de sauge qui s’étalent sur des hectares et des hectares et l’heure des récoltes s’annonce.

De toutes ces plantes vont naître des huiles essentielles denses et odorantes qui vont servir à parfumer les corps, à se tenir en santé, à apaiser et calmer le stress de la vie quotidienne, à prendre soin de soi. Mais une des vertus les plus essentielles ne serait-elle pas son odeur qui peut se distiller dans une pièce ou un environnement ? Non pour le seul plaisir des narines mais comme une invitation à vivre une expérience profonde d’ouverture et de simplicité.

Comme un appel en moi, insistant, à me déplacer sur le plateau de Valensole pour communier à cet évènement. Car c’en est un pour les amoureux de la nature ! Et il ne faut pas le rater. La collecte des fleurs se joue à quelques jours près. Cette communion s’est faite avec les abeilles dont il faut se protéger tant leur affolement est grand, à ne plus savoir où donner de la tête. Avec ces hommes et ces femmes qui, moins par curiosité que par besoin de beauté et de magnificence, viennent trouver une manière de se ressourcer.

Et j’ai sympathisé avec ce jeune couple allemand en voyage de noces, avec ces néerlandais un peu blasé de leurs champs de tulipes, ces japonais qui piqueniquaient à l’orée des parcelles et ces autochtones tout fébriles avant la moisson qui s’annonce et qui klaxonnent pour un rien devant l’envahissement des « touristes » au milieu des rangs de lavande. Je circule au milieu des parfums qui s’exhalent à profusion sous le chaud soleil qui semble, lui aussi, danser devant tant de beauté.

Car, pour qui sait se rendre attentif, c’est le cœur qui est touché. C’est la vie intérieure qui se réjouit de ce don qui est fait. Ce n’est pas pour rien que, dans les religions, le parfum des plantes est offert pour que monte vers le Dieu des fidèles l’offrande qu’ils lui font. Ces effluves offerts participent à un renouvellement de leur vie, souvent envahies d’odeurs plus nauséabondes. Il y a comme un « baptême » qui se vit pour refuser et sortir des petites morts quotidiennes. Autrefois, on embaumait les corps mortels avant de les ensevelir. Ainsi pour le Christ avant sa mise au tombeau. La communion se dit tout naturellement avec la Transcendance. Comme une action de grâces et un rappel pour dire où est l’essentiel et la Vie.

Chacun a envie, à sa manière, de répandre « son » parfum de vie et de beauté, de toucher le cœur de ses semblables, de donner gratuitement le meilleur de lui-même. Nous ne sommes guère aidés aujourd’hui avec l’individualisme et les peurs du lendemain. Mais peut-être que ce « don » qui ose se vivre libèrera les hommes et les aidera à vivre ensemble dans la confiance et la fraternité. Peu de chose en fin de compte. Un peu qui participe à mettre beauté et bonté dans nos relations.

La randonnée olfactive et visuelle me mène au village de Saint Jurs qui domine tout le plateau de Valensole qui s’étale sous mes pieds dans une palette de couleurs odorantes. Au soir couchant, au loin, même le Mont Ventoux semble s’effacer sous la pluie pour laisser place à la merveille du jour sur le plateau de Valensole, pour que la fête illumine les cœurs des chercheurs de beau, de simple et de vrai et qu’ils soient « comme un parfum d’agréable odeur » pour leurs frères.

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